Faut-il pleurer au sujet des Afghans ?
On présente l’abandon de l’Afghanistan comme une terrible défaite pour l’Occident. Et c’en est une. Défaite militaire, un peu. Défaite civilisationnelle, surtout. A-t-on bâti une société ? A-t-on influé avec doigté et intelligence pour la faire évoluer ? Faut-il pleurer pour le sort des Afghans ?
On présente l’abandon de l’Afghanistan comme une terrible défaite pour l’Occident. Et c’en est une. Défaite militaire, un peu. Défaite civilisationelle, surtout. Laissons aux spécialistes de parler de l’aspect guerrier de ces 20 ans. Ou même de ces 40. Mais voyons l’autre aspect.
A-t-on bâti une société ? A-t-on influé avec doigté et intelligence pour la faire évoluer ? Faut-il pleurer pour le sort des Afghans ?
À la première question je crois que tous répondront non. D’évidence. Les médias nous présentent maints cas contraires. Des Afghans évolués, aux yeux des standards européens. Mais combien sont-ils ceux-là ? Quelle part de la population représentent ces exemples. Avouons que nous n’en avons pas la moindre idée. Je n’ai trouvé d’articles significatifs à ce sujet. Il est fort probable (à vérifier) que celle-ci se soit trouvée limitée et en quelque sorte confinée à Kaboul. En effet les Talibans semblent n’avoir du vaincre la moindre opposition dans leur ‘conquête’ du pays. Incidemment, avions-nous à civiliser ce pays ? Je n’en suis pas certain. Je ne le crois pas, même. Du moins dès lors qu’on donne aux peuples le droit de disposer d’eux-mêmes. À l’inverse si l’on considère sa propre civilisation, sa propre façon de voir le monde et de réguler les rapports humains comme supérieure à celle d’autrui… Si l’on voit ses pensées comme plus nobles et, disons le mot, supérieures à celles d’autrui, alors oui, on peut considérer depuis sa demeure européenne que nous avons à « civiliser autrui ».
À la seconde question la réponse me parait tout aussi évidente : Non ! Sûrement non. Le résultat des familles évoluées (objectivement évoluées) par l’instruction donnée aux enfants et l’accès au monde du travail pour les femmes nous semble indubitable. Du moins est-ce l’image qu’en donne les médias, et toute réserve faite quant au nombre de personnes concernées. Mais il n’est gravé dans ma mémoire d’images d’écoles nombreuses et fréquentées par des petites filles. On me corrigera si… Mais revenons au sujet : S’y prit-on habilement ? En ces jours où Marseille se demande où sont passés les millions déversés pour rénover les quartiers déshérités, demandons-nous ce qu’il advînt des milliards apportés par l’aide internationale… Tout le monde évoque la corruption presque institutionnalisée. Comme en Afrique. Cela doit bien avoir une part de réalité. « C’est une corruption puissance 4. Les Américains ont déversé des milliers de milliards de dollars. Dans l’un des pays les plus pauvres de la planète… Vous imaginez. Les commandants américains étaient parachutés avec des valises de billets. Tout s’achetait. On a une classe corrompue qui a pris le pays. Karzaï en faisait partie, on le sait. » On lira cet article en lien ‘https://www.ouest-france.fr/monde/afghanistan/entretien-pour-olivier-roy-on-a-sous-estime-la-strategie-des-talibans-24a13c0e-fe9a-11eb-b25b-e686c75688fc
Hormis l’aspect financier et les fuites qu’apportait cette manne, dont probablement certains occidentaux profitèrent faute d’avoir imposé une administration coloniale, on sait combien l’économie locale des provinces et des campagnes se développa par la culture du pavot. On raconte même que des avions occidentaux apportant des armes ne revenaient à vide. Ceux des milices privées US comme ceux de l’armée officielle – lire Pukhtu, auteur DOA et ses sources . Or cet opium fut bien le financier des talibans. Voir le film ‘L’Opium des talibans’ sorti en 2001. Ils viennent certes d’interdire la culture de cette plante et d’assurer que leur pays ne sera pas un narco-état… Mais ils l’avaient déjà dit en l’an 2000… « À chaque étape, ils (les USA) se sont heurtés aux combattants talibans qui contrôlaient les principales régions de culture du pavot et tiraient des centaines de millions de dollars de cette industrie, selon les estimations des gouvernements américain et afghan. Les enquêtes ont montré que les agriculteurs des zones contrôlées par les talibans subissaient souvent des pressions de la part des chefs de guerre et des combattants locaux pour planter du pavot. » ‘https://www.ipreunion.com/france-monde/reportage/2021/08/19/les-talibans-peuvent-ils-se-passer-de-la-manne-de-la-drogue,139604.html On lira avec intérêt cet article au sujet des implications des autorités Afghanes : « Sher Mohammed Akhunzada, a partie liée avec les trafiquants jusqu’à ce que la découverte de neuf tonnes d’opium à sa résidence, en décembre 2005, lui coûte son poste. Même alors, son propre frère reste le gouverneur adjoint de la province, tandis qu’Akhunzada se venge en transférant trois mille de ses miliciens aux talibans. Quant au général Daoud, vice-ministre de l’Intérieur, en charge de la lutte contre la drogue de 2004 à 2010, il cible avant tout les réseaux concurrents de ceux qu’ils protègent. Ahmed Wali Karzai, le frère du chef de l’Etat, est accusé publiquement de complicité avec le narcotrafic dans le sud du pays. » ‘https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2021/04/25/comment-les-etats-unis-ont-consolide-un-narco-etat-en-afghanistan/ Et ceci : La surface dédiée à la culture du pavot a été multipliée par quatre de 1994 à 2020 ‘https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/marche-de-la-drogue-en-afghanistan-l-autre-victoire-des-talibans-890730.html
J’en viens au dernier point : Fau-il pleurer pour le sort des Afghans ? Faut-il faire pleurer Margot ? Si l’on considère le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la réponse est non. C’est bel et bien la société Afghane profonde et répandue qui laissa une administration traditionnelle et peu ou prou talibane ou complice avec elle prendre le pouvoir. Pierre Cormary disait récemment qu’il fallait imposer des vues et des façons de vivre à ceux qui refusent le vaccin et/ou le pass-sanitaire - cf. article précédent sur mon blog. Mais je ne crois pas que nous ayons à protéger les gens contre eux-mêmes. Sans quoi cela peut être vu comme un système totalitaire. Cette coopération profonde de la société Afghane avec un système qu’un occidental peut décrire comme du haut moyen-âge, la pouvons-nous changer ? Ou plutôt les sociétés post modernes, post démocratiques et post chrétiennes occidentales le peuvent-elles ? Les sociétés dialoguant via les instances internationales Onusiennes le pourraient-elles alors qu’un Pape n’invite qu’à prier et regarder le Ciel pour voir fondre sur cette terre les germes d’un pays de cocagne ? Pardon de cette phrase à ceux qui le liront.
Non, je ne pleurerai pas pour le sort des Afghans. Je les crois mêmes plus heureux et plus en paix au sein d’une société traditionnelle qu’ils ne l’auront été depuis l’invasion de l’URSS. Il est même possible que ce pays ne soit plus le terreau des terroristes s’ils ne cherchent à se venger de la trop longue main-(mal)mise occidentale qu’ils ont subie.