Le danger de la mise au banc
La ritournelle sur les dangers de l'extrême droite dépasse le ridicule et deviendra vite dangereuse si l'on n'y prend garde.
Que s'est-il passé mercredi ? Les FO ont arrêté par précaution une soixantaine d'individus se réclamant de droite et prêts à en découdre si une certaine jeunesse des banlieues lyonnaises en venait à manifester leur joie ou leur colère en s'en prenant aux biens et aux habitants de la capitale des Gaules.
Ces jeunes gens étaient-ils lourdement armés ? Casqués et masqués ? Équipés de kalachnikov ou de ce qu'on appelle des mortiers d'artifice ? De longs sabres ou d'épées tranchantes ? De katama japonais ou de P38 spécial police python ? Rien de tout cela en vérité. Mais ces arrestations se sont propagées de réseaux sociaux en chaînes d'info. Au point de faire ce matin le titre du journal sur BFM : "On craint ce samedi que des milices d'extrême droite ne s'en prennent aux jeunes de banlieue à l'occasion du match Croatie-Maroc." Dans la bouche du présentateur ce 'On craint' devenait 'Le ministère de l'intérieur craint', ce qui donnait un côté officiel, grave et provenant des services de renseignement, à la crainte que le journaliste diffusait aux téléspectateurs. Il ajoutait que parmi les jeunes gens arrêtés figuraient des fichés S. Quelques jeunes deviennent une milice, une ville devient les grandes villes, toutes menacées. Bientôt les milices seront nommées brigades, et d'ici peu les médias et ceux qui les écoutent y verront une armée secrète puissante, couvrant tout le territoire.
Mon Dieu ! La nuit de cristal est à nos portes. Il est presque recommandé aux commerces hallal de tirer leur rideau cet après-midi. Les banlieues doivent se tenir calfeutrées, les dealers devraient même prendre garde que leurs stocks de dope ne leur soient dérobés. On entend le roulement des bottes de la peste brune prendre position sur les ponts et aux endroits stratégiques. Le grondement des chars revient à nos mémoires. Les ratonnades sont prévues. Planifiées ! Le coup d'État est pour demain...
On pourrait rire ou simplement mépriser cette communication médiatico-politique. Je ne le fais pas...
Je ne le fais pas car cette façon de jeter l'opprobre sur certains, une façon dont l'organisation le dispute à l'efficacité, ne sera pas sans effet sur la population. On crie au loup (gris évidemment), on alerte sur un terrible danger. La république est à deux doigts d'être renversée... Comment ne pas penser à la propagande que les Allemands entendaient chaque jour dans les années 30 ?
Si ce climat organisé de mise au banc de "leur" bienpensance persiste, il en viendra que les moindres commerces affichant les trois couleurs seront, eux, vraiment en danger ! Il en viendra que ceux qui ne se réjouiraient pas d'avance d'un possible succès marocain seront déclarés suspects. Ceux qui comme moi oseraient souligner que pas un joueur de cette équipe n'est né outre Méditerranée, ni n'y fut formé, seront conduits au poste et bien sûr bannis des réseaux sociaux.
Et demain les électeurs gogos ou gogols voteront pour le nouveau Macron.