L'arrogance de Jacques Attali
"A écouter les premières analyses [d'après débat entre les deux candidats à la présidentielle], on a entendu comme un refrain répété partout : « Emmanuel Macron a été arrogant »." regrette Jacques Attali sur son blog. Pour lui, "cette accusation [...] vise toute personne faisant preuve de connaissance ou de compétence et qui [...] ne fait pas l’effort de le cacher." Il en excuse donc son poulain : "De fait, beaucoup de gens [...] confondent alors compétence et arrogance, excellence et privilèges, élitisme et favoritisme. Un musicien doit il s’excuser de sa virtuosité ? Un savant de ses découvertes ? Un peintre de son talent ? Quand on sait, faut-il s’en excuser ?"
Que cela est bien dit ! Que cela est vrai !
Évidemment il faudra passer sous silence que ce brillant jeune homme et ses gouvernements creusèrent une dette abyssale dès avant le Covid, ou qu'on vit exploser les chiffres de la délinquance de 2017 à 2022. On oubliera tout ça eu égard au fait que cela vint pendant son premier quinquennat.
Reprocherait-on à Jupiter-le-jeune que l'école vit son classement Pisa dégringoler et que le système de santé fut ruiné par la politique de ses ministres ? Ce serait bien injuste. On trouverait même quelque indécence à le faire. Franchement ! On ne saurait le tenir pour responsable de tout, n'est-ce pas ?
Doit-on chicaner l'excellence dont le pare Attali, par un mesquin regard que nous porterions sur quelque autre réussite un peu moindre ? La lutte contre la corruption ? La participation et l'adhésion populaire aux élections ? Vraiment, devant les bienfaits d'Emmanuel je passerai ces détails. Mieux, je n'en parle même pas. Les ai-je cités quoique je ne le voulusse ? J'en demande pardon au lecteur.
On vous dit bien que Macron, c'est LA compétence, le brio. Le vrai ! Celui qui frise la perfection et serait à même de nous protéger contre les sept plaies d'Égypte - manque de chance, la dernière vint de Chine.
Eh oui ! cher Jacques. S'il est vrai que l'on n'a pas à s'excuser de son talent, si l'on doit même le faire fructifier (non pas mettre ceux de la monnaie antique dans sa poche), force est de reconnaître que celui d'un musicien se mesure à son audience. Au nombre de rappels ! Celui d'un peintre au nombre de visites que suscitent ses œuvres. Celui d’un écrivain au nombre de ses ventes, ses traductions et ses prix littéraires. Le talent, mon cher Jacques, ne se décrète pas dans les secrets d'une loge ou d'un Bilderberg ; encore faut-il qu'il soit reconnu partout et par tous. On en est loin...
Alors, me diras-tu, si, faute de réussite probante de M. Macron, l'on ne peut nous accuser de confondre arrogance et compétence, lui qui parlait si bellement au peuple que ceux des Gilets-jaunes qui ne furent éborgnés furent éblouis par son verbe, lui qui parlait avec une telle humanité aux illettrés... Si l'on ne peut cela, nous autoriseras-tu à penser que la perfection n'est de ce monde ? Et que si l'on autodéclare son excellence et sa compétence lors qu'elles ne sont reconnues par aucun philosophe ni le moindre observateur ou essayiste, c'est que l'orgueil enfla notre tête.
Certes, essayiste, tu l'es, même si cet essai de Macron est bien infructueux. Nous n'oserions le voir en Trissotin qui admirerait son verbe et voudrait épouser la République et ses Ors... Mais presque.
"Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien" disait Socrate. Manifestement les gens de ton clan, cher Jacques, ignorent bien souvent qu'ils sont ignorants. Un essayiste ne devrait pas tomber dans ce travers. Tu oublias cet aphorisme : "L'humilité et le respect sont les valeurs des grands dirigeants", dit Patrick Louis Richard. Ou plutôt : "La vérité appartient à ceux qui la cherchent, et non point à ceux qui prétendent la détenir", Condorcet.
En bref, tu contredis tout ce qu'enseignent les intellectuels en France depuis Descartes : prétendre détenir la vérité est contraire à tout l'héritage d'esprit critique et d'esprit d'examen que la France transmet.
Qui t'en voudrait ? Moi pas. Mais il est sûr qu'à ta vision des choses bien peu sauraient se ranger. Qu'en aurait dit De Gaulle ? Il eut une phrase célèbre sur l'arrogance... No comment.